Il y a.
Des silences qui n’en sont pas et des silences qui le deviennent. Il y a des bouts, des morceaux, des copeaux, des débris de silence, des silences en lambeaux, des atomes, électrons, poussières, nanoparticules de silence. Il y a des silences à la morgue, des silences à la coque, des silences sur le plat, des silences brouillés, floutés, faussés, mal transmis, réécrits. Des palimpsestes de silence. Il y a des silences venus en nombre, en catimini, des silences en ombres chinoises, des silences marchant sur des œufs. Des silences assourdissants, des silences manquant de style, de classe, des silences sans gêne, des silences en toc, bon chic bon genre, en simili-silence, des silences de contrefaçon. Il y a des silences en goguette, des silences en embuscade, en équilibre incertain, des silences funambules, des silences levés du pied gauche, des silences de Charybde en Scylla.
En voici d’autres qui avancent à visages couverts, des silences tirant dans l’ombre les fils de pantins élus au suffrage universel. Et il y a des silences partis sans laisser d’adresse, des clones de silence, des OPA sur le silence, des silences mis aux enchères, des silences de premier plan, des silences en voie d’extinction. Il y a même des silences dont vous êtes le héros. Des silences de saison, des silences de raison, des trésors de silence, des silences d’exception, des silences mais comment tu fais.
Il y a des silences qui n’ont rien à dire, des silences qui ont déjà tout dit, des silences qui préfèrent s’asseoir parce que trop c’est trop, des silences qui préfèrent se dresser parce que trop c’est trop. Voyons un peu les silences totalement à l’ouest, en orbite, les silences panoramiques, les silences comiques, les silences paranoïaques, les silences sans voix, qui ne pipent mot, et les silences qui feraient mieux de se taire. Il y a. Oui. Des silences privés de toute noblesse d’âme, des silences d’une aigreur, d’une cruauté, d’une laideur, on ne vous dit que ça, des silences de dernière minute, des silences trafiqués au montage.
Il y a des silences qui marchent main dans la main, des silences qui avancent en pleine lumière. Il y a des silences dans l’air du temps, des silences dans le sens du vent, des silences tête en l’air, des silences dans le poison qu’on respire, des silences qui vous retiennent à dîner, à méditer, à rêver, qui vous retiennent à vivre. Des silences en veux-tu en voilà. Il y a aussi. Il y a. Des silences en détention, placés à l’isolement, des silences libérés sur parole, des silences en béton armé, des silences à marée basse, des silences insonorisés, ignifugés, des silences ayant fait fortune dans le non-dit, des silences sans sucre ajouté, des silences saucissonnés, des silences commis d’office, des silences de parloir, de train-couchette, des silences : emballé c’est pesé, des silences d’innocents livrés aux fauves ,des silences plaidant coupable, des silences en filigrane, en surface, des superlatifs de silence, des silences implorant des pardons, des silences qui n’ont plus de nom, mais des numéros nourrissant des bases de données, silencieuses et glaciales.
Il y a. Des silences réunis en conclave, des silences en tête-à-tête, en conciliabule, des silences friands de bruits de couloir, des silences à l’autre bout du fil, des silences éventés, des silences en instance de divorce, affiliés au RSI, des silences vivant du RSA, des silences vivant avec moins que ça, des silences de moins que rien, des silences criant famine. Des silences qu’on ne veut pas voir en face, des silences atteints de cécité, des silences qui ne donnent plus signe de vie. Il y a des silences d’avant les bombes, des silences noyant les tombes, des silences passés ad patres. Des silences jamais revenus d’entre les morts.
Des silences avant la magie, des silences après Mozart, des silences pendant l’entracte. Il y a. Il y a des silences bouche bée ou bouche cousue, des silences ayant donné leur langue au chat, des silences extatiques, frénétiques, des silences perplexes, des silences bon public, des silences en partance, des silences en partage, des silences de bric et de broc, des silences extorqués. Il y a des silences complices, des silences les yeux dans les yeux et il y a des silences passés maître en duplicité, des silences à abattre, des silences à combattre, dynamiter, pulvériser. Des silences à choyer, chérir, protéger. Il y a des silences gratuits, ceux qui n’ont pas de prix, des silences en solde. Il y a les silences payés pour ça et ceux qui ne paient rien pour attendre. Il y a de soi-disant silences, des silences relatifs, de réputation, des silences sur commande, satisfaits ou remboursés, des silences compulsifs, des silences charismatiques, des silences à vomir, des silences if you want to, des silences reconnus comme tel, des silences privés de dessert, des silences sans terminus, des silences dans le journal, dans le journal de Claire Chazal, et, dans l’hémicycle déserté, des silences de députés brillant par leur absence. Il y a des silences bleus, saignants, à point ou trop cuits, et des frites à emporter. Des silences qui n’en reviennent pas de leur chance, avec du ketchup, please. Des silences calculés, remâchés, des silences sens dessus dessous, mal digérés, des silences impromptus, mis en perspective, des silences sans escale, insoupçonnés, des silences rougissant de honte, frappés de mutisme, des silences censurés, gênants, entendus, consentis, exaltants, déroutants, des silences forcés, des silences de repli, des silences pareils à des plaies que rien ne cicatrice, des silences toxiques, des silences arsenic, des silences de destruction massive et des silences ayant perdu le Nord, le Sud et tout le reste. Aussi des silences racontés, répétés, ressassés, transformés à l’envi, des silences sensés, des silences censés savoir ce qu’est le silence, des silences qui nous écoutent, nous scrutent, nous épient, nous calculent. Des silences qui en cachent d’autres, lesquels en appellent d’autres encore et, parmi ces derniers, il y a ceux qui répondent et ceux qui se taisent.
Il y a des silences de pleine lune, des silences d’étoile filante, des silences de Voie Lactée, des silences quantiques, des cantiques du silence. Il y a, je vous jure que si, des silences forçant l’inspiration, forçant l’admiration, des silences forçant des barrages. Des silences promis, des silences de compromission et des promesses de silence. Il y a des silences absolus, décomplexés, des silences d’insomnie, des silences m’as-tu vu, des silences t’ont-ils ôté ta toux, des silences qui passent inaperçus, des silences chapeaux pointus. Des silences c’est pour mieux te manger, mon enfant. Il y a les silences qui s’échangent, les silences qui s’achètent, ceux qui se donnent et ceux qui se prêtent, et ceux qu’il faut rapporter à la consigne après usage. Des silences qui passent les bornes, des silences de peu de foi. Des silences entre copains, autour d’un bon feu de joie, des silences touchant au cœur des choses, des silences d’oiseaux en plein vol.
Des silences d’oubliettes, des silences à chaque coin de rue, des silences jetés à la rue, des silences qui font la manche, des silences qui font la pute, des silences qui font la différence, des silences qui font dans l’ignorance, la manigance, le grand-banditisme institutionnalisé. Des silences un-deux-trois soleil. Il y a des silences qu’on garde jalousement, ceux qu’on attend, ceux qu’on espère, des festins, des orgies de silence, oui. Oui. Et puis. Il y a. Des silences de quai de gare, des silences passant sous des tunnels, des silences de promiscuité, et des silences de villes mortes, d’usines désaffectées, des silences ayant tout laissé, tout abandonné, des silences de solitude sourde, de lassitude, de déréliction. Des silences d’état-major. Des silences après quoi plus rien ne repousse. Des silences qui ne dorment plus que d’un œil. Des silences que plus personne n’entend. Des silences qui n’auront pas le bon Dieu sans confession. Des silences craignant pour leur vie. Des silences d’ici et d’ailleurs. Des silences d’ici et maintenant. Des silences stratosphériques, des silences en profondeur, des silences en apparence, superficiels, qui font semblant, des silences d’apnéistes. Il y a des silences de textes sacrés, des silences ésotériques, des silences se réunissant à huis-clos. Des silences d’hommes et de femmes en prières, d’hommes et de femmes en pleurs, des silences d’enfants disparus, massacrés, rayés de la liste des vivants. Des silences à vous refiler la nausée. Des silences à venir, des silences d’une tristesse, des silences d’une seule traite, des silences en conscience. Des silences d’isoloir, des silences comminatoires, de Damoclès ou de Tantale, des silences qui perdent espoir, des silences de commisération.
Il y a. Il y a aussi. Des silences rien qu’entre nous.
Des silences de salle d’attente, des silences de scanner, des silences de médecin. Il y a des silences de pacotille et des silences de luxe, des silences sur mesure, achetés chez le tailleur, des silences d’orfèvres, des silences à vingt-sept carats, des silences roulant en Mercedes-Benz, des silences d’opérette, des silences d’apparat, des silences de confort dans lesquels on se vautre, des silences de sirène auxquels on ne reste pas sourd, des silences qui s’appellent reviens, des silences démesurés, des silences entre les mots, entre les notes, des silences entre parenthèses, des silences le cul entre deux chaises, des silences inspirant des discours, des silences comme sujet de thèse, des silences peuplant le vide, des silences vidant le trop plein, des silences passés sous silence.
Il y a des silences de mouche, de rat, de loup, de chien, des silences pendus haut et court, des silences de chaises électriques, des silences encagoulés. Il y a des silences où passent des anges, des silences cosmiques. Des silences d’avant l’orgasme. Des silences d’après le déluge. Il y a des silences ne manquant pas d’humour, des silences entre la blague et le rire, des silences après une bad joke, des silences à double ou triple fond, des silences en série, des rafales de silence, des silences de fusillés, et des silences tu verras tu verras, des silences tout recommencera. Des silences noirs comme des nuits blanches, des silences plein de bruits et de fureur, des silences à ne plus savoir qu’en faire, la bouche pleine de silences, des silences yeux d’armes à feu, des silences à qui on ne la fait pas, vraiment pas, des silences de crépuscule, des silences de soleil couchant, des silences pousse-toi de là que j’y mette. Aussi des silences comme un gant jeté en pleine face. Il y a des silences obsolètes, hors-service, bons pour la casse, des silences classés secret défense.
Mais ce n’est pas tout, il y a des silences d’océan de plastique, des silences de désert en marche, des silences de banquise partant en jus de boudin, d’écosystèmes partant en couilles, des silences de marée noire, des silences E400 machin chose, des silences d’industries pharmaceutiques, des silences de liasses sonnantes et trébuchantes, des silences de fabricants d’armes, des silences de gaz sarin et de napalm. Une chance, il y a des silences comme des baisers, comme des caresses, comme des silences d’amour. Il y a des silences en substance, des silences en puissance, mais aussi des silences rentrés, ravalés, des silences de révolte qui gronde, grouillant de ressentiments, des silences piétinés par le mensonge, des silences épris de liberté et de justice, des silences qui n’ont pas dit leur dernier mot.
Des silences de bon aloi, de mauvaise foi, de réputation douteuse, des silences de monologue intérieur. Il y a. Il y a. Il y a des silences de ministres, des silences de multinationales, des silences de lobbyistes, des silences d’empoisonneurs connus de tous, des silences exfiltrés, passés entre les mailles du filet. Des silences de cerveaux disponibles, des silences de Panurge, des silences têtes basses, des silences détournant le regard, des silences de têtes de poissons morts. Il y a des silences de dessous de table, des silences de collusion, des chantages au silence, des silences de passe-droit, des silences d’attaché-case passés d’une main à l’autre, remplis de petites coupures, des silences escortant des silhouettes en manteau de vison, des silences réservés aux plus hautes sphères, des silences qui amassent, qui ramassent, qui entassent, des silences de comptes off-shore. Des silences condescendants, l’empathie connait pas, des silences aériens, lointains, contents de leur sort, des silences ravigotés, rassasiés, des silences j’ai la peau du ventre bien tendue, des silences qui ne se séparent jamais des dents longues de leur sourire.
On a prélevé des soupçons, des pincées, des lichettes de silence et on a lutté contre des silences carré d’as, des quintes flush de silence, des complots du silence, des silences rhétoriques, algébriques et ça fait un grand bang quand on franchit les murs du silence. Il y a. Il y a des. Des vœux de silence, des silences allant seuls, des monstres de silence, des silences de foire, de Saint Glinglin, des silences de linceul, des silences avortés, morts nés, frappés d’apoplexie, des silences asphyxiés et des liens, des nœuds, des chaînes de silence, des entraves, des camisoles de silence. Des silences qui disent oui, des silences qui disent non, des silences Jacques a dit et des silences qui disent non une deuxième fois. Il y a des silences ça tourne, des silences qui n’ont pas bien appris leur texte, des silences taiseux ou rusés, ou bien usés jusqu’à la corde, taciturnes, rapiécés, parodiés, régurgités, des silences estropiés, répudiés. On trouvera aisément des silences kafkaïens, des silences bureaucratiques, des silences alambiqués, assermentés, des hiérarchies d’un silence écrasant, des silences de cassation, des silences de petits chefs, des silences rappelez la semaine prochaine, des silences nous sommes au regret de vous informer que.
Il y a des silences expectatifs et des silences qui se pressent, des stars internationales du silence et des silences restés sur la touche. Des silences terre à terre, conformistes, revanchards, des silences qu’on laisse à d’autres, des silences de guerre lasse, d’après le marchand de sable et des silences de pissenlits mangés par les racines, des silences de plomb changé en or, des silences à l’unisson.
Des silences de Narcisse se mirant dans l’eau du ruisseau. Des silences venus incognito et que personne ne remarque, invisibles à l’œil nu. Il y a des silences durant depuis des lustres, donc depuis trop longtemps, des silences cadenassés, cryptés, des silences comme des fardeaux, reçus en héritage, et des silences qui sont si bons qu’on en redemande, des silences en or massif, des silences en vrac, des silences placés en gage, il y en a même qui sont cotés en bourse. Des silences d’occasion, de circonstance, condamnés par contumace, des silences vivant par procuration, des silences sans queue ni tête, des silences qui n’ont vraiment aucune conversation, des silences passanducoqualanisés. Il y a aussi des télescopages, des carambolages, des enchevêtrements, des montagnes, des tonnes, des foules de silence, des silences en liesse, des meutes, des hordes de silence, des silences qui se ramassent à la pelle, des torrents de boue et de silence. Il y a des vrais-faux silences, des silences qui ne jouent pas franc-jeu, des silences qui passent ensuite, des silences qui passent après, des silences qui n’auront jamais leur tour, des silences qu’on passe à la trappe, des silences transfuges, apatrides, renégats, réfugiés, des silences clandestins, des silences sans destin, des silences de résistance, des silences en exil, des silences déportés, jamais revenus, des labyrinthes de silence, des silences en cul-de-sac, des bloody fucking silences, buddy ! Des raccourcis vers le silence, des silences dont on nous rebat les oreilles. Des silences, des silences post-sismiques, post-apocalyptiques, d’Hiroshima, mon amour, des silences de train sans retour, des silences de chambre à gaz, des silences qui imposent le silence. Il y a des silences deux points ouvrez les guillemets, des silences d’exclamation, d’interrogation, des silences en points de suspension, qui traînent de la patte, des silences promenés en laisse, des silences à jambe de bois, qui cherchent leurs chiens, des silences n’ayant ni Dieu ni Maître, des silences radio, des silences Made in Heaven, des silences qui papotent, des silences qui complotent, des silences qui gigotent, qui gigotent encore, des silences qu’il faut donc achever, des silences planifiés de longue date, des silences qui attendent Godo, des silences à la Buster Keaton, des silences frappés au coin du bon sens, des silences de sans-papier, des silences au faciès, des silences qui tournent au vinaigre, des silences de clown triste. Des silences à tirelarigot, à la sauce gribiche, à la mode de chez nous, des silences à la va comme je te pousse. Il y a, et il y a des germes, des graines, des pousses de silence, des forêts de silence, des potentiels de silence. Il y a des silences où l’on s’enlise, des silences où l’on s’attarde, des silences qui vous détruisent, des silences qui nous réjouissent. Il y a des silences qui passent à table, des silences affables, des silences qui jouent les balances, des silences armés jusqu’aux dents, coupant comme des rasoirs. Il y a des silences qui ne veulent plus en finir, des silences muselés, condamnés, réduits au silence, Des silences qui inspirent, qui animent, qui transportent. Des silences qui renaissent de leurs cendres, prêts à chanter et à vibrer.
Il y a les silences que je n’ai jamais dits, les silences que je n’ai jamais tus, jamais susurrés, les silences dont je n’ai jamais rien su, les silences que je n’ai jamais confiés, repris, partagés, endurés. Les silences que je n’ai jamais mis au jour, jamais ensevelis, les silences que je n’ai jamais voulus, les silences qui ne me veulent que du bien et que j’ai du mal à atteindre. Il y a le silence du matin, du jour, du soir, le silence de la nuit, le silence du sommeil. Le silence qui rêve en silence. Le silence de la patience, le silence de l’espérance, de l’enfant qui dort, le silence de l’espoir à ne jamais remettre au lendemain, le silence du cœur qui chante, le silence qui viendra après mes mots, des mots qui me verront crever avant que je me taise.